Sur les routes du patrimoine industriel

Piquante Normandie

« Papa pique, maman coud » , chantait Charles Trénet. ici, on fait les deux, et même plus : les aiguilles et les épingles, on les fabrique. On a tous ces assortiments estampillés Bohin sur fond jaune, bleu ou rose. L’aventure a commencé en 1833 autour de la menuiserie et des boîtes en fer avant de s’orienter vers les aiguilles à la génération suivante. Avec, à la clé, une médaille d’or à l’exposition universelle de 1889. Après un passage difficile, Bohin a joué la carte du tourisme avec succès en 2014.

Les bâtiments emblématiques d’une manufacture du XIXe siècle sont sis sur les bords de la Risle pour exploiter l’énergie hydraulique. Les visiteurs voient les ouvriers s’affairer sur des machines aussi vertes qu’ancestrales et transformer l’acier en pluie d’aiguilles triées dans des bacs de laiton. Plus loin, les épingles traversent le verre de Murano en fusion pour ressortir avec des têtes de couleur.

Un musée qui ne manque pas de piquant mêle histoire de la région et du métier, pubs et objets relatifs à la marque, à des œuvres contemporaines. Des expos temporaires autour de l’art et du textile concluent la visite avec brio.

Saint-Nazaire, entre ciel et mer

En cette après-midi, bien des professeurs envieraient l’attention des usines Airbus. Casque sans fil façon stéthoscope rivé aux oreilles, ils boivent les explications de la guide tandis que des tronçons d’avion s’élèvent comme des fétus de paille. Saint-Nazaire produit les pointes avant et les fuselages centraux de la flotte d’Airbus, du classique A320 au militaire A400M.

Mais cest le hangar de 30 mètres de haut consacré à l’A380 qui impressionne le plus. Les éléments produits sont ensuite assemblés à Toulouse ou Hambourg, après leur envoi par voie maritime pour l’A380 qui impressionne le plus. Les éléments produits sont ensuite assemblés à Toulouse ou Hambourg, après leur envoi par voie maritime pour l’A380, par avion-cargo Beluga pour les autres. Cette activité aéronautique découle de la production d’hydravion, elle-même née des activités navales.

Car, historiquement, Saint-Nazaire construit aussi et surtout des bateaux avec ses fameux chantiers de l’Atlantique, devenus STX France. Y sont nés des paquebots parmi les plus prestigieux : le Normandie, le France, le Queen Mary 2 et le tout récent Harmony of the Seas, un joli bébé de 362 mètres de long. Il peut ainsi divertir 6 300 passagers dans les eaux des Caraïbes. On suit actuellement la construction de son frère jumeau et celle du MSC Meraviglia. Là encore, on reste bouche bée devant le TGP – très grand portique – qui soulève jusqu’à 1 400 tonnes.

Un très intéressant  musée, Escal’Atlantic, complète la visite du chantier naval. Des panneaux de laque Art déco à l’argenterie, on y revit la splendeur des traversées de jadis. Saint-Nazaire était alors le départ des transatlantiques vers l’Amérique centrale. Durant la guerre, les Allemands ont rasé la gare maritime pour en faire une indestructible base sous-marine. Outre Escal’Atlantic, les passionnés y visitent désormais l’Espadon, un sous-marin français en retraite. Les épris du grand large préfèrent parcourir, en autocar, les immenses terminaux portuaires. Ils accueillent des cargos en connexion avec 400 ports du monde entier.

Affaire de gants en Aveyron

Dans les causses de l’Aveyron, on produit le roquefort à partir du lait de brebis. D’où l’importance des agneaux et de l’exploitation de leur peau dans toute la région. Ajoutons une fougueuse rivière, le Tarn, et l’on comprend pourquoi Millau s’est spécialisée dans la tannerie et la mégisserie dès le Moyen Âge.

Comme on l’apprend au musée de la ville, la ganterie s’est développée au XVIIIe siècle, tant pour les ecclésiastiques que pour les salons. Les ateliers faisaient même vivre deux tiers des Millavois au début du XXe siècle. La crise des années 1970 a emporté les plus fragiles, conduisant la « capitale mondiale de la peau et de la ganterie » vers le haut de gamme.

Causse Gantier, repris par Chanel, et la Maison Fabre en sont des parfaites illustrations. Le premier, dans sa manufacture et son espace musées relookés par l’architecte  Jean-Michel Wilmotte, revisite les classiques pour les grands de la mode. Le second, qui accueille 20 000 visiteurs par an, n’est pas en reste avec ses gants parfumés façon Joséphine ou Marie-Antoinette et  sa collection 2013 signée Chantal Thomass. Tous sélectionnent les plus beaux cuirs, qu’ils s’agissent d’agneau façon glacé ou nubuck, de cerf, de pécari, et aussi d’autruche ou de crocodile.

Coupeurs, brodeuses et piqueuses enchaînent une centaine d’opérations parmi les mains de fer, les pieds de Charlemagne et les machines hors d’âge : mettre en passe, étavillonner, raffiler, appairer…pour un gant qui magnifie Madonna, Marion Cotillard, Kylie Minogue ou même les DaftPunk ! Quelques petits artisans, tel L’Atelier du gantier, proposent des modèles un peu plus accessibles.

Une fois le viaduc admiré sous tous les angles, on peut poursuivre  la découverte à 50 kilomètres au sud. C’est dans un hameau vers Latour-sur-Sorgues que s’est posé l’atelier du Sac du Berger depuis plus de trente ans. Loin des paillettes, les ouvriers se fondent dans la tradition pour assembler cuir souple et épais. Ils déclinent un authentique sac, résistant et aussi pratique pour les randonneurs que pour les urbaines un peu chargées.

La mesure du temps dans le Doubs

Durant la Révolution française, les horlogers suisses s’implantèrent en nombre à Besançon. Ils y développèrent une industrie florissante, au point qu’on ouvrit une école spécialisée. Les heures fastes  sont révolues, même si quelques entreprises comme Lip ou Maty subsistent. Installé autour d’un splendide cloître Renaissance, le musée du Temps retrace toute cette épopée, ponctuée de pièces d’exception.

La montre Météorite y aurait toute sa place. Réservée à une élite, elle est élaborée face au musée, dans l’atelier Utinam. Derrière une vitre, les ouvriers assemblent les montres haut de gamme sur d’anciens établis. En périphérie de la ville, la manufacture Vuillemin est la dernière à concevoir des mouvements mécaniques de comtoises. Habillés à la demande  d’un coffrage en bois, les mécanismes sont présentés nus, dans un design contemporain qui met en valeur l’épure et la précision des roues crantées. Une route de la Mesure du temps mène ensuite à travers le département vers le musée de l’Horlogerie de Morteau, installé dans un château Renaissance, et celui de la montre à Villers-le-Lac. Rien n’empêche de passer ensuite la frontière suisse pour retrouver le berceau de cette industrie de précision.

Les flammes de l’Audomarois

Avec un site couvrant 220 hectares, n’espérez pas tout voir en 2h30 de visite guidée. Créée en 1825, la modeste verrerie artisanale est devenue le leader mondial des arts de la table.

Une vidéo détaille cette histoire et le processus de fabrication à partir de sable, de la soude et de la chaux, avant de surplomber le site de production depuis une passerelle. Au cœur de la fournaise, les machines tournent, rougeoient et flamboient en continu pour que la goutte de verre soit pressée dans un moule puis rebrûlée ou recuite.

Les 3 millions d’articles produits chaque jour sont ensuite conditionnés, tandis que le visiteur achève son parcours en magasin d’usine.

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