Suivre les pas des peintres

À la suite de Monet

Lorsqu’on possède un bassin dont les nénuphars tapissent deux salles ovale au musée parisien de l’Orangerie – les fameux Nymphéas – ou un pont japonais représenté 45 fois par le fondateur de l’impressionnisme, on ne peine guère à attirer le visiteur. Pourtant, le charme de Giverny opère toujours, qu’il s’agisse du jardin d’eau ou du Clos normand, dont fruitiers et plates-bandes se couvrent de fleurs au printemps.

Rythmée de volets verts, la longue maison rose abrita Claude Monet et les siens, de 1883 à sa mort en 1926. Dans les pièces colorées, estampes japonaises et répliques du maître ont la part belle. Pour voir une toile originale en Normandie, on s’arrête notamment au musée des  Beaux-Arts de Rouen.

En toute logique, il s’agit d’une des 30 versions de la façade de la cathédrale, sur laquelle Monet étudia les changements de temps et de saison. De là, on suit le peintre et son mentor Eugène Boudin vers Honfleur, à moins de préférer le côté plus sauvage et aéré d’Étretat. Comme pour Delacroix, Courbet et Corot, ses falaises ne pouvaient qu’enflammer l’infatigable capteur de lumière.

Un confluent artistique

Quand Georges Sand, experte en artistes en tout genre est venue en voisine au Crozant, déclare d’un paysage qu’il est « si riche que le peintre ne sait où s’arrêter », sa carrière est lancée. Et en effet, de 1850 à 1950, des dizaines d’artistes représentèrent Crozant, les ruines de la forteresse et le confluent de la Creuse et de la Sédelle.

Un sentier d’une heure et un musée retracent leur passage. Et pour ceux  que Monet passionne, 8 kilomètres suffisent pour le retrouver à Fresselines, et le suivre au détour d’une belle balade et d’un autre confluent non moins pittoresque.

Une pépinière de paysagistes

Si les moulins qui se greffent sur ses arches ont changé d’aspect, le pont sur le Loing n’a pas bougé. En se postant côté faubourg, entre rivière et canal, on retrouve intacts le profil de l’église Notre-Dame et la haute silhouette de la porte de Bourgogne.

Inlassable peintre de plein air, Alfred Sisley a tant aimé sa cité fortifiée de Moret qu’elle se confond avec ses vues impressionnistes. Trente ans avant lui, en 1849, c’est à Barbizon, à 20 kilomètres, que s’installa Jean-François Millet. Star des Américains et des Japonais, il ne faisait que suivre l’engouement pour ce village chéri des paysagistes, à l’orée de la forêt de Fontainebleau.

La montagne magique de Cézanne

« L’homme. Sous son chapeau de paille. Des taches plein sa blouse. Et sa barbe en bataille », pour reprendre la chanson de France Gall, Cézanne peint, imprègne toujours sa ville, cent soixante-seize ans après sa naissance ici. Mais pour saisir son inspiration, ses couleurs intenses et ses lumières, c’est du côté de la montagne Sainte-Victoire, notamment sur la route du Tholonet, qu’il faut se promener. De ce massif calcaire qui domine de ses 1 000 mètres la campagne aixoise, le maître aurait tiré 44 huiles et 43 aquarelles.

Spécialiste des chemins buissonniers, qu’il arpenta dès l’enfance avec son ami Émile Zola, Paul Cézanne peignit toute sa vie sur le motif. Imaginez une chaude journée d’été, et les rives de l’Arc, qui coule au sud de la ville, se peupleront des Grandes Baigneuses. Quant aux rochers ocre des carrières de Bibémus, noyés dans les pins, leur chaos géométrique ne pouvait qu’inspirer le précurseur du cubisme.

L’âge venant, il ne s’éloigna guère de son atelier des Lauves, grimpant dans la colline à quelques pas. Un chemin et une esplanade semée de panneaux ouvrent sur les cyprès, la plaine et l’arête caractéristique de la Sainte-Victoire. Dans Aix-en-Provence, des clous de bronze balisent l’itinéraire Cézanne, via la chapellerie du cours Mirabeau ou le riche musée Granet, naguère école de dessin.

Après une visite du mas familial du Jas de Bouffan dont les murs et le jardin permirent au peintre de faire ses armes, cap au sud. On oublie vite Gardanne où l’artiste vécut brièvement pour gagner le charmant port de l’Estaque, aux portes de Marseille. Là, quadragénaire, il entreprit de simplifier les volumes, il peignit aux côtés de Renoir, avant que son aura n’y attire Braque, Dufy ou… vous-même.

L’escale pittoresque de Gauguin

« C’est un petit trou pas cher » : voilà l’argument choc qui convainc Paul Gauguin de venir à Pont-Aven en 1886. Ajoutons la proximité du chemin de fer, une atmosphère de petit port ouvert sur l’extérieur avec de nombreux hôtels, et un bon usage du français. Outre les « 14 moulins et 15 maisons » du dicton dont on devine les roues, biefs et autres vannes le long de l’Aven, Gauguin s’inspire des costumes et des fêtes locales. Il est rejoint par Émile Bernard, Paul Sérusier et d’autres qu’on regroupera ensuite en « École ».

C’est d’ailleurs à une leçon picturale donnée par Gauguin à Sérusier que le bois d’Amour, à la sortie du village, doit sa renommée. Le maître prône l’audace et la couleur : l’ombre des arbres semble bleue alors pourquoi ne pas la représenter ainsi ? Œuvre phare du 3e séjour de Gauguin en 1889, Le Christ jaune, ou plutôt la sculpture en bois polychrome qui l’a inspiré, est toujours suspendu dans la chapelle de Trémalo. Agréable but de promenade, elle n’est guère qu’à une demi-heure de marche de la cité, de ses fameuses galettes et de sa soixantaine de galeries d’art.

15Le musée des Beaux-Arts poursuivant son redéploiement dans l’ancien hôtel de ville, on se console à l’ex-pension Gloanec. Plus grand trace des peintres logés à crédit, mais des expos temporaires à l’étage. Après un bref arrêt au calvaire de Nizon qui inspira au maître un Christ vert, direction l’océan et le Pouldu. La maison-musée où Gauguin et Sérusier passèrent plusieurs mois a beau être une reconstitution, on n’en est pas moins captivé par les fresques de la salle à manger, avant d’enchaîner sur une balade autour du port, voguant entre fermes, falaise et plages, maintes fois représentées…

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