Côte ouest, la Suède radieuse

Un peuple de bourlingueurs

La municipalité la plus écolo de la planète se vante d’offrir à chaque administré un espace vert grand comme un court de tennis. Pour ce faire, les murailles ont été démolies, mais le sol conserve la cicatrice en scie des bastions à la Vauban, du temps où l’Europe tremblait devant les Suédois. Au XVIIe siècle, la guerre de Trente ans les a vus tout mettre à sac jusqu’au lac de Constance, violant et se saoulant dans les caves d’Obernai. L’acier des rapières se taillait une réputation dont la Suède n’aime guère parler. Dans un pays qui ne jure que par le futur, une échoppe de brocanteur se voit, çà et là, accorder la mission de brader ce passé.

Dans le style d’Amsterdam ou de bristol, les puissances maritimes rivales ont chacune dressé leur quartier général, encadrant le bâtiment de la Compagnie des Indes suédoise, devenu musée de la ville. On y découvre un navire viking, dont les planches mal jointoyées font plus caisse à savon qu’héroïque drakkar. Voici la salle des enchères, où l’on s’arrachait les stocks chargés à Canton ou au Bengale, gavant jusqu’au pont les navires de porcelaines, de soieries, d’épices et de thés en sortes infinies.

Le musée Maritime complète notre découverte. À son cœur défendant, il nous apprend que des comptoirs suédois s’activaient dans les roseaux du Delaware, que les navires armés à Göteborg émargeaient à Gustavia – aujourd’hui Saint Barth… Comment nier ce passé trempé dans les embruns ? Ici, même le Skanskaskrapan, ce gratte-ciel rouge, blanc et cubique a les airs gaillards d’un avant de tanker.

À ses pieds, un bassin sombre s’encombre de vaisseaux ouverts à la visite : bateau-pompe, bateau-phare, dragueur de mines, poseur de mines, ses mines posées sur rails comme les canettes d’un distributeur. Au bout, la salle des torpilles, chargées dans un barillet comme le colt d’un cow-boy : western inaccompli de la guerre froide…

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